Mis à jour le 16/09/2014 à 17:22 lefigaro.fr
Un ancien gardien nazi d'Auschwitz inculpé en Allemagne
Par Anne-Laure Frémont

L'homme de 93 ans, qui a été déclaré apte à être jugé il y a quelques mois, est sous le coup de 300.000 chefs d'accusation pour complicité de meurtre.

Il pourrait être l'un des derniers nazis à passer devant un tribunal. L'Allemand Oskar Groening, ancien gardien du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, a été mis en accusation lundi par le parquet de Hanovre (nord), révèle ce lundi l'agence de presse américaine AP. L'homme de 93 ans est accusé de «complicité de meurtres dans au moins 300.000 cas», un nombre calculé en fonction de celui (estimé) de personnes qui sont mortes dans les chambres à gaz entre le 16 mai et le 11 juillet 1944. Le tribunal de Lüneburg doit maintenant décider de l'ouverture du procès.

Contrairement à la plupart des autres suspects encore en vie, l'officier SS Oskar Groening, qui vit aujourd'hui en Basse-Saxe (Allemagne), n'a jamais caché avoir été gardien dans ce camp construit par les nazis en Pologne occupée. Il assure toutefois n'avoir lui-même jamais participé aux atrocités dont il était témoin. Dans un entretien au journal allemand Der Spiegel en 2005, il racontait une des scènes d'horreur à laquelle il avait assisté un jour après l'arrivée dd'un convoi de détenus juifs: «Soudain, j'ai entendu un bébé pleurer. L'enfant était couché sur la rampe d'accès, enveloppé dans des haillons. Une mère l'avait laissé derrière, peut-être parce qu'elle savait que les femmes ayant des enfants étaient immédiatement envoyées dans les chambres à gaz. J'ai vu un autre soldat SS attraper le bébé par les jambes. Les pleurs l'avaient dérangé. Il a fracassé la tête du bébé contre la paroi de fer du wagon jusqu'à ce qu'il soit silencieux».

Oskar Groening, lui, était chargé de collecter et comptabiliser l'argent et les autres biens des détenus. Les magistrats de Hanovre, qui ont diffusé un communiqué ce lundi, estiment qu'il était bien un rouage de la machine de destruction lors de son passage à Auschwitz en 1944. Il a selon eux «aidé le régime nazi économiquement, et soutenu les massacres systématiques».

Course contre la montre pour traquer les nazis

En juillet dernier, Johann Breyer, un Américain de 89 ans né en Tchécoslovaquie, était mort dans un hôpital juste avant qu'un tribunal américain n'approuve son extradition vers l'Allemagne. Il était soupçonné d'avoir été gardien du camp d'Auschwitz, ce qu'il avait nié. En décembre 2013, un autre ancien nazi soupçonné d'avoir été gardien dans ce camp, Hans Lipschis, qui faisait partie des dix criminels nazis les plus recherchés par le centre Wiesenthal, avait été considéré come inapte à être jugé par le tribunal de grande instance d'Ellwangen (sud-ouest). Ce dernier avait estimé que l'homme de 94 ans souffrait d'un «début de démence» qui le rendait incapable de suivre son procès. Contrairement à lui, Oskar Groening a lui été déclaré en mars dernier apte à faire face aux juges.

Pour le centre Simon-Wiesenthal, la traque aux derniers criminels nazis est une véritable course contre la montre, les survivants disparaissant peu à peu sans jamais avoir été inquiétés. «Il y a eu environ 6000 personnes qui ont travaillé dans les camps comme gardiens ou dans les Einsatzgruppen (unités mobiles d'extermination). On estime que 2% d'entre elles sont encore en vie, soit 120 personnes, et la moitié ne peuvent pas être poursuivies pour des raisons médicales, cela fait donc 60 restants», estimait en 2013 le directeur du centre, Efraim Zuroff.

Les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles outre-Rhin, mais, avant 2011, la justice allemande ne poursuivait pas les gardiens de camp car elle exigeait des preuves. Mais la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, ancien garde du camp de Sobibor, a changé la donne. Il a été condamné à 5 ans de prison pour complicité dans l'extermination de plus de 27.000 juifs. Faute de témoins, sa participation aux meurtres n'a pas été prouvée, mais le tribunal a estimé que le seul fait d'avoir travaillé à Sobibor le rendait coupable de complicité de meurtres. Un tournant dans la traque des anciens nazis.

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