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11 août 2016 à 20:31 liberation.fr
Gardiens à Auschwitz ou Treblinka et toujours libres
Par Aude Massiot et Estelle Pattée

Sur sa liste annuelle, les dix nazis que le centre Simon-Wiesenthal souhaite voir jugés coulent des jours paisibles aux Etats-Unis, au Canada ou en Allemagne.

Depuis 2005, le centre Simon-Wiesenthal publie une liste annuelle des dix criminels de guerre nazis les plus recherchés dans le monde. Voici celle de 2016.

1. Helma Kissner

Opératrice radio dans le camp d’extermination d’Auschwitz, en Pologne d’avril à juillet 1944, elle devrait être jugée, à 92 ans, par un tribunal allemand cette année, pour la participation aux meurtres de 260 000 personnes.

2. Reinhold Hanning

Cet Allemand n’avait que 20 ans lorsqu’il a été enrôlé comme gardien au camp d’Auschwitz. Aujourd’hui âgé de 94 ans, il a été condamné le 17 juin, à cinq ans de prison pour complicité dans l’extermination de 170 000 personnes. Au terme d’un procès de quatre mois devant le tribunal de Detmold en Allemagne durant lequel il s’est muré dans le silence, il a finalement avoué «avoir honte parce que [il a] regardé des injustices se faire et [n’a] rien fait pour les arrêter». Il reste libre en attendant son appel.

3. Helmut Oberlander

Cet Allemand né en Ukraine affirme avoir été enrôlé de force comme traducteur dans l’Einsatzkommando 10a (EK10A), un escadron de la mort nazi qui opérait derrière la ligne de front allemande dans l’Est, responsable du massacre d’au moins 23 000 civils, en grande partie des Juifs. En 1954, Oberlander s’est envolé au Canada, pays dont il a obtenu la nationalité six ans plus tard, sans mentionner son rôle pendant la guerre. Le gouvernement fédéral, qui expulse ceux qui ont pris part à des crimes de guerre, a révoqué sa citoyenneté à trois reprises depuis 1995, mais à chaque fois cette décision a été annulée en appel.

4. Hubert Zafke

Son procès pour la participation au meurtre de 3 681 personnes s’est tenu en début d’année, à Neubrandenburg, dans le nord-est de l’Allemagne. Il a dû être suspendu en raison de l’état de santé du prévenu. Hubert Zafke, 95 ans, était infirmier dans le camp d’Auschwitz en 1943 et 1944. Son bureau se trouvait à proximité des colonnes de condamnés faisant la queue devant les chambres à gaz. Les charges contre lui se concentrent sur les mois d’août et septembre 1944, quand 14 trains remplis principalement de Juifs venus de Pologne, Slovénie, Grèce, Allemagne et Pays-Bas sont arrivés à Auschwitz. Dans l’un d’eux, se trouvaient Anne Frank et sa sœur Margot. Elles furent, par la suite, transportées au camp de Bergen-Belsen, où elles moururent en avril 1945.

5. Alfred Stark

Ancien caporal de la division Gebirsgjäger, Alfred Stark, 93 ans, a été condamné en 2012 par contumace pour sa participation, en septembre 1943, au meurtre de 120 officiers italiens sur l’île grecque de Céphalonie. Ce massacre s’intègre dans l’assassinat de 9 500 officiers de la division Acqui, ordonné après la rupture de l’alliance italo-germanique. Malgré la condamnation à la prison à vie d’Alfred Stark par un tribunal militaire à Rome, l’Allemagne, où il vit toujours, a refusé son extradition.

6. Helmut Rasbol (ou Helmut Leif Rasmussen)

A 91 ans, Rasbol pourrait couler des jours paisibles à Copenhague, au Danemark. C’est sans compter sur le directeur du bureau israélien du Centre Simon-Wiesenthal, Efraim Zuroff, qui a déposé en 2015 une requête auprès de la police danoise pour qu’une enquête soit ouverte sur son cas. En 1942 et 1943, Rasbol a admis avoir travaillé comme garde SS mais nie avoir participé à des assassinats. Efraim Zuroff maintient que le Danois a intégré les SS volontairement, et qu’il a travaillé comme garde dans un camp établi à Bobrouïsk, en Biélorussie. La requête de Zuroff s’appuie sur un livre intitulé En skole i vold, soit le Livre de la violence. Un des auteurs, historiens, y affirme, que Rasbol lui aurait avoué avoir vu des Juifs se faire exécuter et jeter dans une fosse commune.

7. Aksel Andersen

En 1942 et 1943, il a travaillé comme garde dans le camp pour Juifs installé à Bobrouïsk, en Biélorussie. La quasi-totalité des prisonniers du camp ont été exécutés ou sont morts dans d’horribles circonstances.

8. Johann Robert Riss

Le 23 août 1944, 175 civils sont tués sommairement dans le marais de Fucecchio, en Italie, en représailles de l’assassinat de deux soldats allemands par des résistants. Cette affaire a été précisément documentée par Charles Edmonson, un sergent britannique, déterminé à trouver les responsables. L’ex-sergent Johann Robert Riss est l’un d’entre eux. En 2011, un tribunal militaire à Rome le condamne par contumace à la prison à vie avec deux autres nazis et demande aussi que le gouvernement allemand paye 14 millions d’euros en compensation pour les proches des victimes du massacre. Berlin a refusé le paiement de cette somme et l’extradition de Riss pour l’Italie. A 93 ans, Riss vit toujours en Allemagne.

9. Algimantas Dailidé

Cet ancien soldat lituanien, 95 ans, aurait été membre de la Saugumas, la police sécuritaire lituanienne contrôlée par les nazis. Il aurait arrêté douze Juifs qui essayaient de s’échapper du ghetto de Vilnius, au début des années 40. Comme nombre de nazis à l’époque, il fuit aux Etats-Unis et obtient la nationalité américaine en cachant son rôle pendant la guerre. Rattrapé par les autorités dans les années 90, il se voit retirer sa nationalité et est expulsé en 2004 pour l’Allemagne. En 2008, le quotidien israélien Haaretz déclarait que Dailidé résidait à Kirchberg, dans l’ouest de l’Allemagne, avec sa femme. Un tribunal lituanien condamne Dailidé pour crimes de guerre, mais il échappe encore à la justice : en 2008, une instance judiciaire supérieure estime que son état de santé ne lui permet pas de purger sa peine.

10. Jakob Palij

A 94 ans, Jakob Palij vit dans une maison du quartier en vogue de Jackson Heights à Brooklyn, aux Etats-Unis. Mais sa vie est loin d’être paisible. Depuis plusieurs années, des manifestations ont régulièrement lieu devant son domicile. En cause : son rôle en tant que garde SS dans le camp de Treblinka, en Pologne de 1943 à 1945, où plus de 6 000 Juifs ont été tués. Aux Etats-Unis, les autorités estiment qu’il a empêché des prisonniers de s’échapper et a «directement contribué à leur assassinat éventuel», ce qu’il a toujours nié. En 2003, les autorités américaines le poursuivent pour avoir menti lors de son entrée sur le territoire et lui retirent sa nationalité. Mais il ne sera pas expulsé. Aucun pays n’a accepté de l’accueillir.

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